Il fut un temps où la toilette n’avait de toilette que le nom. Où fard et parfum étaient de mise, non pour rehausser la beauté, mais pour masquer les odeurs corporelles. Ce n’est que sous le règne de Marie-Antoinette que la toilette fut enfin reconnue pour ses vertus ! Eprise de beauté naturelle, la jeune reine sut utiliser à bon escient les actifs naturels que lui offraient les végétaux du Potager du Roi pour prendre soin d’elle. Autre époque, autres raisons, même désir : mettre à l’honneur des matières nobles et authentiques, issues de notre patrimoine local, pour prendre soin de nous. Plus que de simples savons, les savons « La Manufacture du Siècle » sont conçus comme de véritables soins de beauté, le tout présenté dans des boites rappelant l’élégance de la Belle Epoque :
Pourquoi ce nom, « la Manufacture du Siècle » ?
Parce qu’il dit qui nous sommes. C’est d’abord un clin d’œil au siècle du Grand Siècle, celui des manufactures, du savoir-faire français, une époque de créativité florissante soutenue alors par de grands mécènes. L’idée de concilier avec exigence l’authenticité du travail manuel avec le luxe et la beauté qui durent. De prendre à contre-pied la superficialité et l’immatérialité des produits du monde de consommation en proposant une vision alternative.
Je crois que les gens comprennent tout de suite notre façon de voir les choses quand ils entendent notre nom, et ils adorent ce que nous avons à leur raconter. Et comme il n’y a pas de hasard, il existe une petite ruelle, tout près de la savonnerie, prénommée l’Impasse du Siècle…
« Le caractère précieux du savon nous amène à être plus bienveillant envers nous-même »
Le savon est pour vous un cosmétique de première nécessité, certes, mais aussi un cosmétique précieux, faisant de la toilette un moment à chérir. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Le savon saponifié à froid surgras est vraiment un produit de beauté à part entière, il se suffit à lui-même.
Pour moi, il y a une métaphore évidente entre la société et le savon, c’est assez drôle ! La société contemporaine, c’est celle du gel douche : pratique, séduisant, mais abstrait, superficiel, trompeur, anonyme. Le savon, lui, est bien matériel : on peut s’en saisir. Il vieillit, il évolue. Il a une vie, en quelque sorte. Un rapport à la matérialité qui se concrétise quand on le passe sur son corps : il nous oblige à nous regarder, à reprendre possession de nos bras, de nos jambes.
Son caractère précieux nous amène aussi peut-être à être plus bienveillant envers nous-même, parce qu’on sent tout le bien que l’on fait à sa peau. On connait chaque ingrédient qui compose le savon, je sais quelles mains ont pressé les huiles, trait le lait des chèvres, ramassé les œufs… Comme un vin, on en apprécie toutes les nuances, son parfum, la densité de sa mousse, sa consistance.
Il existe tellement de possibilités en matière de saponification à froid ! La méthode de fabrication produit un savon d’une telle qualité qu’il serait dommage de ne pas y incorporer ce qu’il y a de meilleur.
Et, je parle en tant que femme, mais c’est aussi peut-être une façon de se reconnecter à sa féminité.
Où puisez-vous l’inspiration pour créer un nouveau savon (contenant comme contenu) ?
C’est différent à chaque fois, mais il est vrai que je suis souvent inspirée par des lieux, des épisodes de l’Histoire, comme pour Un Jardin sur la Sorgue ou Vénus Impériale, voire des personnes réelles, comme pour Marouschka. Je pars de l’idée abstraite que m’inspirent ces sujets et je brode autour. Je leur associe un parfum, une texture, un ingrédient.
Et puis le packaging, l’aspect visuel, est si important pour moi que souvent je le crée avant le savon lui-même ! L’inspiration peut venir d’un imprimé de tissu, d’un motif architectural, du design d’un meuble ou d’un bijou…
Je suis très influencée par la virilité de l’Art-déco et le charme suranné de l’Art-Nouveau. J’ai toujours en tête l’aspect de ces vieux poudriers en argent et des boîtes de savons de Marseille avec ces petites fleurs désuètes, les flacons Guerlain, les anciens magazines de mode…
« C’est un non-sens de faire du bon qui ne soit pas beau »
Vous concevez vous-même le savon comme le design de sa boîte. Vous est-il difficile de concilier l’élégance du contenant avec l’authenticité du contenu ?
Non, cela va de pair. Nous avons la chance de maîtriser un processus de fabrication dont le rendu est un produit extrêmement qualitatif. Il invite vraiment à l’excellence, tant du point de vue des ingrédients que de son emballage. Personnellement, je trouve que c’est un non-sens de faire du bon qui ne soit pas beau.
Vos packagings sont inspirés de la Belle Epoque (fin du XIXe – début du XXe siècle). Pourquoi vos sensibilités vous portent-elles vers les courants artistiques de cette époque plutôt qu’une autre ?
Bonne question. Je pense que c’est l’effusion globale relative à cette époque qui est attirante. Les gens étaient portés par l’élan des progrès technologiques, scientifiques, artistiques, et qu’ils avaient l’intuition de l’amorce d’un changement d’ère. Et toute cette imagerie très colorée et bonne vivante de Paris, ses excès…
Ce n’est pas socialement de tout repos, c’est une époque de remous, entre deux grandes guerres qui ont marqué l’inconscient collectif. La Belle-Epoque, c’est ce court laps de temps où l’on a pu profiter des progrès de l’industrialisation avant d’en souffrir. Quoi qu’on en pense maintenant, avec notre recul, l’ambiance générale était plutôt gaie, constructive et confiante en l’avenir. C’est sans doute ce qui nous manque aujourd’hui.
« Ce qui compte, ce sont les sensations que les savons éveillent » en nous
Vous êtes éprise d’Art, certes, mais aussi d’Histoire, comme en témoigne votre coffret de Noël « les Cocottes », hommage à 5 courtisanes de la Belle Epoque. Est-ce pour vous important de nous transmettre une histoire, un peu d’Histoire, au travers de vos savons ?
Je suis convaincue que beaucoup de gens souffrent de l’anonymat de la globalisation et de la perte de leurs repères. J’aimerais beaucoup qu’ils puissent se souvenir de ce qu’ils sont et qu’ils peuvent en être fiers. J’espère les inspirer dans ce sens, à ma mesure. Il y a les anecdotes des Cocottes, oui, mais ce qui compte, ce sont les sensations que le produit éveille en eux.
Le coffret « les Cocottes » devrait-il être suivi d’autres éditions limitées elles aussi imprégnées d’Histoire ?
C’est la suite logique des choses… Mais on ne fait que commencer !
Envie de vous rêver, vous aussi en grande dame (ou gentleman !) de la Belle Epoque ?
Crédit photos & Interview : La Poudre et la Plume
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